L’autofinancement (CAF) est le flux de fonds en comptabilité

L’autofinancement est le flux de fonds correspondant aux ressources internes dégagées par l’entreprise au cours d’un exercice. Le compte de résultat mesure des coûts. L’autofinancement est un flux de fonds qui représente le surplus monétaire potentiel dégagé par l’entreprise au cours de l’exercice.

L’autofinancement d’exploitation

L’autofinancement d’exploitation est le flux encaissable issu de l’exploitation de l’entreprise :

Autofinancement d’exploitation = Produits d’exploitation encaissables – Charges d’exploitation décaissables

Les produits encaissables sont l’ensemble des produits d’exploitation à l’exception des produits calculés. De même, les charges décaissables sont formées des charges d’exploitation hors les charges calculées. On rappelle en effet que les charges de dotation ont le caractère de coût calculé, mais ne sont pas décaissables. Dans la cascade des soldes intermédiaires de gestion, les dotations aux amortissements et aux provisions, ainsi que les reprises, interviennent après l’EBE et avant le calcul du résultat d’exploitation.

Il s’ensuit que l’excédent brut d’exploitation représente bien le solde des produits encaissables et des charges décaissables d’exploitation. L’EBE mesure très en amont le surplus monétaire potentiel généré par l’exploitation de l’entreprise. Ce surplus a toutefois un caractère potentiel et non réel. Les flux de produits ne sont pas tous effectivement encaissés au cours de l’exercice :

  • d’une part, l’existence d’un crédit clients introduit un délai entre la vente et l’encaissement définitif en provenance des clients ;
  • de plus, la production stockée est un flux non immédiatement encaissable car, en fonction de la vitesse d’écoulement des stocks, les produits finis seront d’abordvendus, puis encaissés.

Si l’ensemble des produits d’exploitation de l’EBE a vocation a être encaissable, il en est un qui fait exception : la production immobilisée. Ce poste reprend en comptabilité la contre valeur des coûts correspondant aux immobilisations que l’entreprise a produit pour elle-même. Il ne s’agit donc pas d’un produit encaissable. Le cas échéant, il faudra en tenir compte en soustrayant la production immobilisée de l’EBE. Cette remarque n’est pas innocente. Les programmes informatiques avec lesquels les analystes financiers travaillent omettent souvent de soustraire la production immobilisée dans le calcul de l’autofinancement. Les sommes en cause peuvent être importantes dans les entreprises aéronautiques ou dans les entreprises de production audiovisuelles. Le cash flow est d’autant plus gonflé que ces immobilisations induisent des amortissements. L’analyse financier regardera avec attention les montants, et surtout les variations d’une année sur l’autre, de la production immobilisée.

Autofinancement d’exploitation = EBE *
* Corrigé du montant de la production immobilisée

L’EBE est donc un solde particulièrement important qui mesure à la fois un excédent d’exploitation qui concourt directement au résultat, et un surplus monétaire potentiel.

La capacité d’autofinancement (caf)

L’EBE est une mesure très utile, mais un peu partielle du flux de ressource interne généré par l’entreprise dans la mesure où il se limite aux flux d’exploitation. La capacité d’autofinancement, ou CAF, cherche à évaluer le surplus monétaire potentiel dégagé par l’entreprise au cours d’un exercice en prenant en compte l’ensemble de ses produits encaissables et l’ensemble de ses charges décaissables. Cela signifie, par exemple, qu’en plus des charges d’exploitation, il faudra intégrer les charges financières et les charges exceptionnelles.

Cependant, très vite il apparaît nécessaire d’éviter d’inclure les éléments « très » exceptionnels que sont les plus ou moins-values de cession. Le PCG retient pour définition de la CAF une mesure de l’autofinancement potentiel dégagé par l’activité « ordinaire » de l’entreprise. On éliminera donc les cessions d’actifs des produits encaissables de l’entreprise.

CAF = produits encaissables (sauf produits de cession) – charges décaissables

La démarche pour calculer la CAF consiste, à partir de l’EBE, à ajouter les produits encaissables et à soustraire les charges décaissables autres que ceux et  celles d’exploitation. Cette méthode est dite directe ou descendante. Elle est parfaitement conforme à l’objectif qui est de faire ressortir un flux global qui exprime le surplus monétaire net potentiel de l’entreprise. Il importe d’être minutieux et de s’interroger dans chaque cas pour savoir si tel flux du compte de résultat a ou n’a pas de conséquences monétaires ( Rajouter les transferts de charges n’est pas intuitif alors qu’il s’agit de pures écritures comptables. En fait, s’il s’agit de transfert au sein du compte de résultat, ce poste sert à annuler des charges comptées deux fois. S’il s’agit de charges activées, ce poste annule et transfère au bilan une partie des coûts décaissés.).

Calcul de la CAF (méthode descendante)

Excédent brut d’exploitation (EBE)
+ transferts de charges d’exploitation (non affectables)
+ autres produits d’exploitation
– autres charges d’exploitation
+/– quote-part d’opération en commun
+ produits financiers (sauf reprises de provision)
– charges financiers (sauf dotations aux amortissements et aux provisions financières)
+ produits exceptionnels (sauf produits de cessions d’immobilisations, subventions d’investissement virée au compte de résultat et reprises sur provisions)
– charges exceptionnelles (sauf valeur nette comptable des immobilisations cédées et dotations exceptionnelles)
– participation des salariés
– impôt sur les bénéfices
= Capacité d’autofinancement (CAF)

De nombreux analystes ont pris l’habitude de calculer la CAF en corrigeant le résultat net de l’entreprise des éléments non monétaires qui ont servi à sa détermination. Cette méthode de calcul dite ascendante ou indirecte apparaît plus simple que la précédente. Il suffit d’ajouter au bénéfice net les charges calculées n’entraînant pas de décaissement et symétriquement de soustraire les produits calculés non encaissables. L’incidence des plus ou moins-values de cession doit alors être annulée afin d’éviter de les inclure dans la capacité d’autofinancement que l’on veut mesurer hors opérations exceptionnelles en capital.

Calcul de la CAF (méthode ascendante)

Résultat net
+ dotation aux amortissements
+ dotation aux provisions (d’exploitation, financières, exceptionnelles)
– reprises (idem)
+ valeur nette comptable des actifs cédés
– produits de cession d’actifs
– subvention d’investissement virée au compte de résultat
= Capacité d’autofinancement (CAF)

Rôle et signification de l’autofinancement

L’approche additive donne une indication de l’utilisation de la CAF dans l’entreprise au travers de son affectation comptable :

– renouvellement des immobilisations (amortissements) ;
– couverture des pertes et risques probables (provisions) ;
– développement et croissance de l’entreprise (mise en réserve) ;
– rémunération des actionnaires (résultat distribué).

Cette analyse du rôle de la CAF par son affectation comptable est en fait trop restrictive. Elle ne correspond pas à la description de ce que constitue un flux de fonds dans l’entreprise : une ressource durable librement affectable dans le cadre de décisions de gestion. La vraie nature de l’autofinancement est de constituer une variable stratégique de l’entreprise. Le surplus monétaire potentiel dégagé par l’entreprise dans son activité courante, et donc reproductible, est le bras armé de sa stratégie. Les emplois imaginables dépassent la stricte liste des affectations comptables puisqu’ils se situent fondamentalement dans une logique globale d’emplois ressources de l’entreprise.

En particulier, il ne faut pas introduire dans l’utilisation de l’autofinancement de distinction arbitraire entre financement interne du renouvellement du capital économique et financement de la croissance. L’autofinancement est le moteur interne du développement de l’entreprise.

Il est à la fois :
– un financement interne disponible pour investir et développer l’entreprise dans le sens de la stratégie qu’elle se donne ;
– la garantie du remboursement d’emprunts, et donc un élément puissant de la capacité de remboursement de l’entreprise.

C’est la raison pour laquelle on met à part la fraction de la capacité d’autofinancement qui est distribuée aux actionnaires sous forme de dividendes. Ce qui reste est l’autofinancement net, ressource librement affectable dans le cadre de la stratégie de développement. Les dividendes qui constituent un emploi décaissable au cours d’un exercice ne sont pas ceux issus du bénéfice de l’exercice, mais ceux de l’exercice précédent qui sont décaissés au cours de l’exercice suivant.

Autofinancement (année N) = CAF (année N) – dividendes distribués (au titre année N–1)

En revanche, s’il est une ressource monétaire potentielle, l’autofinancement ne peut prétendre mesurer l’enrichissement de l’entreprise ou de ses actionnaires. Il illustre le principe de conservation de l’autonomie stratégique de la firme. Il ne peut en aucun cas être assimilé à un profit économique brut de l’entreprise.

Autofinancement et valeur

L’autofinancement n’est pas la marque systématique d’une augmentation de la valeur de l’entreprise. Cependant, cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas de relation entre l’autofinancement et le processus de création de la valeur dans l’entreprise, cela pour deux raisons.

La première est que l’autofinancement est par définition le flux de ressources internes qui est réinvesti dans l’entreprise. Il n’est à l’origine d’une création de valeur que si les réinvestissements sont rentables. Si l’entreprise est négligente quant à son réemploi au niveau du choix des investissements, l’autofinancement ne participe pas à la création future de valeur ; dans le meilleur cas, il est la marque d’une création de valeur passée, à hauteur du bénéfice net réalisé.

La dynamique de création de valeur à partir de l’autofinancement repose sur la comparaison entre la rentabilité des fonds réinvestis et leur coût. L’autofinancement n’est pas une ressource dont le coût est nul sous le prétexte qu’il n’entraîne aucune charge obligatoire de paiements à des tiers, du type intérêts ou remboursements. Il n’y a pas d’idée plus fausse que celle-là. En finance, un coût ne correspond pas forcément à une charge explicite.

L’autofinancement a un coût d’opportunité en intérêts puisque les sommes pourraient être utilisées à rembourser les dettes de l’entreprise. Il a aussi un coût en capital pour les actionnaires qui auraient pu percevoir davantage de dividendes. C’est par rapport à l’objectif de création de valeur des actionnaires qu’il faut apprécier l’autofinancement car celui-ci s’inscrit dans la dynamique des fonds propres de l’entreprise. Les prêteurs n’ont aucun droit sur ce flux de fonds.

Tout réemploi de fonds internes à une rentabilité inférieur au taux de rendement exigé des fonds propres ne participe pas à la création de valeur dans l’entreprise.

En cas d’autofinancement mal géré, l’entreprise, c’est-à-dire en fait ses dirigeants, dispose d’un flux de fonds que ces derniers n’utilisent pas au mieux des intérêts de leurs mandants, c’est-à-dire les actionnaires. Cette notion de flux de fonds interne discrétionnaire (free cash-flow) a été analysée par Jensen (1986). Elle correspond à la situation des dirigeants qui réinvestissent ce flux de fonds dans des projets insuffisamment rentables, voire purement symboliques ou somptuaires. Toute la difficulté pour l’actionnaire extérieur est d’apprécier si les réinvestissements effectués sont et seront suffisamment rentables.

La seconde raison qui associe l’autofinancement à la valeur de l’entreprise, indépendamment de la rentabilité minimale des réinvestissements, est la notion de valeur stratégique de flexibilité. La capacité d’autofinancement, avant même de s’interroger sur l’affectation des fonds réinvestis, est le garant de la réactivité de l’entreprise.

Celle-ci a les moyens de réagir, de se donner une stratégie ou de modifier celle existante. La valeur stratégique de flexibilité est fonction de la taille du flux de ressource interne généré par l’entreprise. Cette valeur stratégique de flexibilité explique pourquoi dans certains cas, lors d’une acquisition d’entreprise, un des critères d’évaluation utilisé, est la CAF à laquelle on applique un multiple (par exemple compris entre 4 et 8).

Limites de la CAF

Les limites concernent, soit le mode de calcul, soit l’utilisation de la notion de CAF.

La CAF est un surplus monétaire dont le caractère potentiel est renforcé par l’intégration de toutes les provisions. Le PCG considère que toutes les dotations aux provisions sont à l’origine d’une ressource, ce qui est largement critiquable lorsqu’il s’agit de provisions d’exploitation destinées à couvrir des charges décaissables à court terme. Tel est le cas des provisions pour dépréciation des actifs circulants, stocks et comptes clients. Des créances clients provisionnées sont celles dont on doute du paiement régulier à l’échéance. Au terme du délai de crédit consenti au client, la provision constatera le manque à encaisser et sera comptablement reprise. La dotation aux provisions n’est donc pas une charge non décaissable ; elle donne  lieu à un décaissement décalé à court terme sous forme d’un manque à encaisser par rapport aux ventes comptabilisées qui sont théoriquement encaissables.

Le raisonnement est identique pour les provisions sur stocks. Celles-ci donneront lieu à une utilisation sous forme d’un manque à encaisser au terme du délai de rotation des stocks. Dans la même perspective, P. Conso remarque que les provisions pour pertes de change donneront lieu, elles aussi, au constat comptable d’un manque à encaisser sur ventes à l’échéance de la créance. Il suggère donc de ne pas inclure comme charges non décaissables dans l’estimation additive de la CAF :

– les dotations aux provisions pour dépréciation d’actifs circulants ;
– les dotations aux provisions financières pour pertes de change sur actifs et passifs circulants, symétriquement, il ne faut pas soustraire les reprises sur ces éléments.

Il faut donc distinguer à part les provisions qui ont un caractère de charges et dont la reprise correspondra bien à l’annulation d’une charge réelle. Les autres provisions, celles qui ont un caractère de réserves (c’est-à-dire reprises tôt ou tard dans le compte de résultat mais sans contrepartie réelle) ou celles qui sont destinées à couvrir une charge réelle mais à long terme, contribuent à renforcer les capitaux permanents et se manifestent bien par un surplus monétaire durable.

Le calcul standard de la CAF est donc gonflé du montant des provisions qui ne correspondent pas à des ressources monétaires potentielles durables. Toutefois, le jeu des reprises assez rapides de ces provisions vient atténuer cette sur-estimation. Si les provisions d’exploitation ont un caractère régulier et sont renouvelées pour un montant qui reste du même ordre de grandeur, le biais dans l’estimation de la CAF est négligeable. A défaut d’information supplémentaire, on fera l’hypothèse de stabilité des dotations/reprises des provisions d’exploitation dans la CAF. Si cela ne correspond pas à la réalité, la CAF ne pourra prétendre être une mesure fiable du flux de ressource interne de l’entreprise.

Le calcul de la CAF est influencé directement par les choix comptables et fiscaux de l’entreprise. Les choix en matière de valorisation de stock vont influencer directement l’EBE de l’entreprise et donc sa capacité d’autofinancement. De même, les décisions en matière d’amortissement vont déterminer le montant de l’IS à payer.

L’augmentation des dotations aux amortissements vient diminuer la base imposable et donc le bénéfice net à payer à l’État. En revanche, la CAF augmente du montant des dotations pratiquées. Il en va de même de la politique de provisionnement de l’entreprise qui peut essayer de constituer des provisions ayant le caractère de pseudo-réserves, lesquelles viendront s’imputer sur l’impôt.

Une augmentation massive des provisions pour risques et charges ou des dotations aux amortissements par un passage brutal au dégressif s’explique souvent par le désir des dirigeants  d’augmenter la capacité d’autofinancement en étant peu sensible au niveau éventuellement en baisse du bénéfice affiché.

Exemple : CAF et choix comptables

En reprenant les données de l’entreprise ABC , on obtient différentes valeur de la CAF selon les choix :

– en matière de valorisation du stock final FIFO ou coût moyen pondéré (CMP),
– en matière d’amortissement maximum dégressif ou minimum correspondant au linéaire cumulé.
L’utilisation de la possibilité maximale d’amortissement contribue à diminuer le bénéfice et permet en même temps une augmentation de la CAF.

En résumé, on retiendra :

– que la CAF n’est en aucune manière une mesure pertinente de la profitabilité ou de la rentabilité d’une entreprise ;
– enfin que la CAF n’est qu’un surplus monétaire potentiel. Il ne s’agit pas d’une ressource interne intégralement disponible. La CAF est un flux de fonds ; elle n’est pas un flux de trésorerie. L’écart provient des délais de règlement entre les flux d’exploitation et les mouvements réels en trésorerie. La prise en compte de ces décalages est indispensable pour évaluer l’excédent de trésorerie effectivement généré par l’entreprise.

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